Archives départementales de la Mayenne, 6 place des Archives, 53000 LAVAL France (
archives@cg53.fr)Texte scanné et relu par : Joël Surcouf (
joel.surcouf@wanadoo.fr)Date : 25-26 décembre 1999.
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A. GROSSE-DUPERON, " Le château d’Aron et ses grosses forges ", Mayenne, 1904, 83 p.
Archives départementales de la Mayenne, AC 63.
Les deux photographies illustrant l'ouvrage imprimé n'ont pas été reproduites ici.
A. GROSSE-DUPERON
LE CHÂTEAU D'ARON
ET
SES GROSSES FORGES
Le château d’Aron, situé commune d'Aron, près de Mayenne, édifié en rase campagne, était protégé par des fossés que remplissaient les ruisseaux de la Vorière, de la Fourmière et de Touroux. Pour augmenter le volume des eaux et les assainir par un courant rapide, et aussi afin d'établir des moulins et une grosse forge, un d'Arglentier, seigneur d'Aron, entreprit au commencement du XVIe siècle de détourner la rivière de l'Aron. Il y réussit et un volume d'eau considérable vint inonder la partie basse du pays et descendit jusqu'aux fossés. De fortes digues retinrent les eaux en deux endroits, d'abord à Beaucoudray, puis au-dessous du château, et formèrent deux grandes nappes. Celle d'amont porta le nom de Beaucoudray ; quant à la seconde, la chaussée du pont du chemin d'Aron à Bourgnouvel la divisa en deux parties qui furent appelées les étangs du Vieil-Aunay, du Château ou de la Forge. On estimait jadis la superficie de l'étang de Beaucoudray à cent journaux et celle des étangs du Vieil-Aunay et du Château, réunis, à quatre-vingts journaux.
La forteresse d'Aron, dévastée pendant la guerre de Cent-Ans et complètement ruinée durant la Ligne, ne fut pas réparée.
Henri IV régularisa par lettres royales l'entreprise faite par d'Arglentier et contre laquelle protestaient quelques propriétaires riverains du canal de dérivation.
Il était fait la description suivante des restes du château d'Aron, à la fin de l'année 1659, par Madeleine de Souvré, marquise de Sablé, veuve de Philippe-Emmanuel de Laval-Bois-Dauphin, alors " dame d'Aron, de Bourgon, Bois-au-Parc, Bourgnouvel et autres lieux ", dans l'aveu qu'elle rendit au cardinal de Mazarin, duc de Mayenne, le 19 décembre 1659. " Du château d'Aron avec ses fortifications, disait-elle, il n'y a plus qu'un corps de logis couvert en tuiles et bardeaux, une grosse tour couverte d'ardoises, une cave et un chenil. Ces constructions sont disposées autour d'une " cour au-devant de l'habitation (du maître de forges). L'enceinte du château, " close par de doubles fossés, pleins d'eau, et de doubles murailles, renferme en outre deux jardins, une pièce de terre derrière le château, un verger appelé le Petit-Parc, le tout contenant environ trois journaux. Les bâtiments sont en mauvais état et les murailles de clôture en ruines. Un ancien parc de six journaux a été divisé en trois pièces, l'une en pré et les deux autres en terres labourables. Une motte à conil se trouve dans le pré dit de la Haie-d'Aron ".
Les eaux qui avaient servi à défendre l'accès du château furent utilisées comme force motrice, lorsqu'on y établit une grosse forge. Le lieu paraissait propice pour la fabrication du fer. Il était aisé de construire les bâtiments nécessaires : les pierres des ruines se trouvaient à proximité et la chaux se cuisait aux fours d'Aron ; le minerai de fer s'extrayait sur la paroisse même et celles du voisinage, et les bois des forêts d'Hermet et de Bourgon pouvaient fournir du charbon pour la chauffe.
Le libre-échange a éteint les fourneaux d'Aron en 1864, et plusieurs industries se sont succédées depuis, dans les bâtiments de l'ancienne usine.
Autrefois, en allant du bourg d'Aron à la Forge, on passait près la vieille croix de pierre de la Grésillière, au-devant de laquelle les petits mercerots, les savoyards porte-balle qu'on appelait des " haut-à-bas ", de leur ancien métier de ramoneur, ne manquaient pas d'étaler au passage quelques marchandises pour tenter les Aronnaises, d'abord de menue mercerie, objets d'utilité courante, comme des épingles, des aiguilles, des dés, des ciseaux, des lacets, des patenôtres, puis quelques jolis morceaux de camelots d'Arras, de serges de Saint-Lô, de tiretaines d'Alsace, de l'escot, de belles étamines pour les coiffes, des mouchoirs ou steinkerques de Rouen, rayés ou à carreaux. Le marchand sortait enfin du fond de sa balle, quelques bijoux, des bagues, des coeurs, une croix d'argent, un petit Saint-Esprit décoré de pierres de couleur, ou un de ces colliers à pendeloques que le mari offrait à sa femme le jour des épousailles et que les normandes appelaient avec, malice " des esclavages ", parce qu'elles perdaient, disaient-elles, leur liberté de jeune fille en se les laissant passer au cou.
On a gardé le souvenir de ces petits déballages de deux heures. Nos jeunes mancelles n'achetaient guère que des objets indispensables. Elles appréciaient cependant ces jolies choses, qui les eussent faites belles pour aller à la foire de la Madeleine, à Mayenne ; aux assemblées de Beauchêne, à la Saint-Jean ; de Jublains, à la Saint-Laurent ; de Marcillé, à la Saint-Mathieu ; de Grazay, à la Saint-Denis ; de Moulay, à la Saint-Martin ; mais elles étaient pour la plupart de pauvres fileuses qui, au milieu du siècle qui vient de finir, vendaient encore leurs cheveux pour un mouchoir de huit a quinze sous, et ne devaient jamais porter une paire de souliers, même pour se marier. Elles regardaient, admiraient, convoitaient sûrement une bonne partie de ce qui leur était offert. Elles devaient s'en tenir à la concupiscence des yeux. Ce n'étaient que les femmes des forgerons qui pouvaient se permettre un corps de jupe de siamoise, un steinkerque brodé, un anneau d'or ou une croix normande ; aussi les jalousait-on un peu.
Nous nous sommes arrêtés sur l'ancien chemin de la forge à l'étalage d'un mercerot ambulant, aux colifichets des filles d'Eve de tous les temps, continuons notre route. En face de la Reinière, il fallait franchir la vieille douve du château et s'engager sur la chaussée. A droite, en face de l'étang, on apercevait dans une niche du mur de la forge la statue de Saint-Eloi, le protecteur des forgerons ; au-dessous était gravée dans la pierre cette inscription :
" Forge d'Aron rebâtie par Messire L. Pouyvet de la Blinière, conseiller au Grand-Conseil, seigneur de Bourgon, Aron, Bois-au-Parc, Bourgnouvel, Hermet, Landepoutre, Neuvillette, Pré-en-Pail, Couptrain, etc., et conduite par D. Prieul, directeur, en l'année 1746. "
Le propriétaire des forges d'Aron était en effet à cette époque Louis Pouyvet de la Blinière, qui avait épousé Marguerite Dieuzivoie ; il mourut en 1748.
Une reconstruction de la forge avait déjà eu lieu en 1680.
Qu'a-t-on fait de l'inscription qui précède, de la statue de Saint-Eloi, de la croix même de la Grésillière ? La pierre indicatrice de la reconstruction a été brisée ; le Saint-Eloi d'Aron a été mis à prix dans une vente aux enchères ; la croix, vous la trouverez sur le bord de la route, contre le mur de la cour de M. Hubert, maire d'Aron. Elle était jadis près la fontaine de la Grésillière où se trouve aujourd'hui une pompe.
C'est sur le socle de cette croix que devaient autrefois monter les mareyeurs de passage à Aron et crier :
Monsieur d'Aron,
V'nez au poisson.
Dans son aveu précité rendu au duc de Mayenne, Madame de Sablé disait : " J'ai le droit de saisir et arrêter marchand mareyeur, menant poisson passant par mon bourg d'Aron, faute qu'il fera de monter à la croix de la Grésillière, située sur le chemin du Mans et au-devant de la porte de mon château, et là de crier par trois fois à haute et intelligible voix : Monsieur d'Aron, v'nez au poisson. En cas que je veuille " avoir de son poisson à prix raisonnable, je suis tenue lui donner chopine de vin ou une mesure d'avoine à son cheval. Et, à faute qu'il fera de ce faire, j'ai droit de confiscation et d'amende contre ledit mareyeur ".
La forge, la fenderie, les logements des forgerons, les magasins aux fers, les halles à charbon, ont disparu en partie, et ce qui en subsiste est méconnaissable, par suite des nouvelles constructions qui sont venues s'y adjoindre ou les remplacer.
La copie d'un contrat passé devant Davoynes, notaire et tabellion royal a Mayenne, le 10 mai 1698, contenant un marché entre Anne de Souvré, marquise de Courtanvaux, veuve de François-Michel Le Tellier, marquis de Louvois, et par son gendre, Louis-Nicolas de Neuville, due de Villeroy, d'une part, et Cosme Baguelin, marchand ferron, et Francoise Marée, sa femme, demeurant à Aron, d'autre part, donne quelques indicalions sur le genre de fabrication des forges à cette époque.
Les propriétaires vendaient aux époux Baguelin :
" 1o Tous les fers en barre et carré, fossoirs et galtoires, et tout le fer passé sous le gros marteau, non compris les minces qui servaient ordinairement à faire les ustensiles des forges.
2o Tout ce qui se trouverait de fer en verge.
Le tout au poids de la forge d'Aron.
3o Tout ce qu'il y avait de clous à charrettes et bateaux, au poids de marc ".
Ces objets se trouvaient déposés dans la maison de Julien Bignon, au bourg d'Aron, et y avaient été abandonnés par un sieur Angot, ancien maître des forges.
Ils étaient vendus : " Le fer en verge, 75 l.t. chaque millier ; le cent de clous à charrettes et à bateaux et fers à cheval, 12 l.t. ".
Louis Pouyvet de la Blinière, maître des requêtes, devenu propriétaire des grosses forges d'Aron, après la mort de son père, les faisait valoir lui-même et avait pour directeur Daniel Prieul, qui, comme on l'a vu, n’avait pas oublié de placer son nom sur la pierre commémorative de la construction du bâtiment de la forge.
La correspondance de la Blinière avec son régisseur nous laisse entrevoir dans le seigneur d'Aron, un esprit quelque peu mercantile.
" A Paris, ce 5 mars 1757.
" C’est toujours quelque chose, Monsieur Prieul, que d'avoir vendu 24 milliers à " 15 l.t. 15 s., et le prix devrait se soutenir, car on arme bien des corsaires dans tous les ports, ce qui doit consommer beaucoup de fer.
Je suis bien aise que la fonte est toujours de bonne qualité ; elle serait encore meilleure et il en coûterait moins de charbon si l'on pouvait faire comme en Allemagne, où il y a un premier fourneau de grillage avec des fagots, qui nettoie la mine avant de la mettre dans le fourneau pour la fonte. Cette première chaleur douce donne beaucoup de force à la mine.
Le bûchage me paraît bien avancé. Je voudrais que les cordes ne fussent pas si arriérées à mettre en charbon, car le charbon a bien moins de sève. Est-ce que vous ne pourriez pas vous arranger mieux pour cela ?
Je n'entends pas comment, — de ne pas détruire les forges d’Hermet empêche d'y faire un bocambre.
Je consens au marché de bois que vous me proposez, mais il ne serait pas prudent d'en parler à M. de Dommagné (propriétaire de Buleu, en Marcillé). Ce serait le moyen de le faire songer à tenir rigueur pour se faire donner beaucoup d'argent ; le mieux sera de lui donner quelque chose après, s'il criait ; mais il n'en fera rien vis-à-vis de moi, comme il ferait vis-à-vis d'un autre, parce qu'il me doit encore de l'argent et a besoin de moi…
Je suis, avec amitié, tout à vous.
DE LA BLINIÈRE. "
La fin de cette lettre ne dénote-t-elle pas plus que de l'habileté commerciale ? Si de la Blinière prévoit qu'il faudra peut-être donner une indemnité à de Dommagné, c'est que celui-ci va éprouver un préjudice, et, s'il le sait, pourquoi consent-il à cette proposition de son régisseur, qui doit faire naître ce préjudice ? Il est vrai que de la Blinière ajoute : " de Dommagné ne s'en apercevra peut-être pas ; il sera toujours temps de l'indemniser s'il crie, mais il n'osera se plaindre, je le tiens parce qu'il est mon débiteur et mon obligé ". Ces prévisions ne légitiment pas le fait et n'en sont point la justification, elles l'aggravent.
Comme il suffit d'une lettre d'affaires d'un homme pour en découvrir une partie du tréfonds !
De 1758 à 1770, il fut livré au fendeur et par celui-ci aux acheteurs les quantités de fer qui suivent :
Année Fer livré au fendeur
et par lui aux acheteurs
1758-59 260.000 livres
1759-60 183.000 —
1760-61 184.000 —
1761-62 180.000 —
1762-63 120.000 —
1763-64 166.000 —
1764-65 211.000 —
1765-66 143.000 —
1766-67 123.000 —
1767-68 172.000 —
1768-69 224.000 —
1769-70 195.000 —
1770 110.000 —
___________
2 277.000 —
Pouyvet mourut eu 1757. Ses héritiers vendirent par contrats devant Bronod et Maigret, notaires au Châtelet de Paris, à Pierre Le Nicolais :
1o La terre de Neuvillette, en Jublains, le 9 décembre 1768, pour 125.000 l.t. ;
2o La terre d'Hermet, en Mézangers, et de Bourgnouvel, le 14 décembre 1768, moyennant un prix de 205.000 l.t. ;
3o La terre de Bourgon, en Loiron, le 15 décembre 1768, pour 120.000 l.t. ;
4o La terre de Bourgon, en Montourtier, le 16 décembre 1768, au prix de 450.000 l.t.
Pierre Le Nicolais laissait deux enfants :
1o Pierre Le Nicolais ; 2o Victoire Le Nicolais, épouse de Julien-Louis Le Nicolais de Clinchamp, écuyer. Ceux-ci louèrent, pour neuf années à commencer le 1er mai 1790, les grosses forges d'Aron et d'Hermet aux frères Joseph, Jean-Hugues et René-Benoît Le Sayeux, négociants, par bail devant Duval, notaire royal à Laval, du 25 juin 1789.
Les biens affermés comprenaient :
1o Les grosses forges, fourneaux et fenderie d’Aron, la maison d’habitation du maître de forge, les cours et jardins, les bâtiments servant aux ouvriers …, et les étangs, c'est-à-dire, celui de l'ancien château ou de la Forge, et ceux du Viel-Aunay et de Beaucoudray, ainsi que le moulin de Beaucoudray.
2o Le fourneau, les halles à charbons et les maisons et bâtiments d'Hermet, l'étang d'Hermet, l'étang de Sainte-Anne, près du fourneau d'Hermet, l'étang de la Roussière, situé dans la Lande-du-Pont, le grand et le petit étang des Landes, ainsi qu'un petit étang sans bonde, dans la Lande de Chellé.
Nous négligeons les désignations des autres immeubles qui dépendaient des deux forges.
Quelques conditions du bail sont a retenir.
Lors de la pêche de l'étang d'Hermet, les preneurs étaient obligés " d'avertir M. de Brossard et de lui délivrer gratis, à son choix, un brochet et deux carpes ".
Les frères Le Sayeux devaient pêcher les cinq étangs de Sainte-Anne et les suivants, pour en mettre le peuple dans ceux de Beaucoudray et d'Hermet. Ils ne pouvaient les pêcher après la sixième année de leur bail et étaient tenus de les empoissonner durant cette sixième année de la manière suivante : 1o " Le grand étang des Landes de 70 carpes mâles et de 40 femelles, plus de 60 tanches mâles et 50 femelles ; 2o le petit étang des Landes de 60 carpes mâles et de 36 femelles, plus de 55 tanches mâles et de 40 femelles ; 3o l'étang de Sainte-Anne de 20 tanches mâles et de 16 femelles ; 4o l'étang de la Roussière de 22 carpes mâles et de 14 femelles ; 5o enfin l'étang sans bonde de 5 carpes mâles et 3 femelles ; le tout formant un total de 500 morceaux de poissons ".
Les bailleurs promettaient de livrer chaque année aux preneurs 200 arpents de bois taillis à prendre, savoir : 120 arpents dans la forêt de Bourgon et 80 arpents dans la forêt d'Hermet et de Langé.
" Les voituriers qui, était-il dit au bail, seront employés à voiturer à dos de cheval les charbons, mines et castines pour le service des forges, fourneau et fenderie, auront la liberté de mettre paître leurs chevaux dans toute l'étendue des forêts de Bourgon, Hermet et autres bois taillis affectés auxdites forges, lorsque toutefois les bois taillis auront atteint l’âge de trois ans et un may ".
On exceptait le parage du taillis, appelé le triage de Langé, la réserve de ce triage et aussi " le pacage du taillis du Bois-Bouchard, à cause d'une réclamation de Monsieur, sur ce bois ". Il y avait, en effet, un procès pendant à cet égard au Conseil du roi entre le comte de Provence et les héritiers Le Nicolais.
Les chevaux qui transporteraient les mines, castines et charbons, trouvés à paître ou à passer sans muselière dans des bois inférieurs à trois ans d'age, étaient considérés comme étant en contravention, et les amendes tarifées : 1o à 15 sols par cheval, si celui-ci avait " une sonnette battante " ; 2o à 30 sols, si l'animal " était sans sonnette ou avec sonnette bouchée ou barrée ". Les gardes des propriétaires donnaient tous les mois un état des amendes des contraventions, pour que ceux-ci pussent en réclamer le montant aux fermiers des forges.
Il était convenu que les preneurs fourniraient, en sus du prix du bail :
1o Aux bailleurs 500 livres de fer " en fer carré ou fer à plat ou fer de fenderie ".
2o A Gournay, juge royal en la sénéchaussée de Bourgnouvel, 15 sacs de charbon et 15
sacs de flamberons rendus à son, domicile, ville de Mayenne.
3o A Maupetit, procureur du roi au même siège, une quotité semblable de sacs de charbon et de flamberons.
Ces petits cadeaux étaient des épices volontaires, qui entretenaient l'amitié entre les magistrats et les gros justiciables.
Le prix en argent du bail s'élevait à 39.000 l.t. par an.
Dans l'aveu de la dame de Laval-Bois-Dauphin, on rencontre le nom de Tréhoudy, qui nous rappelle une vieille légende.
Au-delà du village de la Métrie, il existait sur les bords de l'Aron, avant l'ouverture du canal de dérivation qui alimente les étangs dont nous avons parlé, un moulin appelé Tréhoudy ou Trihoudy. " Ce nom, nous écrivait naguère M. l'abbé Guesdon, curé d’Aron, serait entièrement perdu, s'il n'était resté attaché à une planche qui permet de franchir l'Aron à cet endroit et au souvenir légendaire d'une pauvre fille, qui se noya, dans le bief. Le moulin a disparu, ainsi que les autres habitations du village ".
La passerelle de Tréhoudy se compose aujourd'hui d'un tronc d'arbre très ravagé par le temps et sur lequel des chèvres seules paraissent pouvoir s'engager avec quelque sécurité.
Avant d'abandonner Aron, jetons un regard attristé sur le seul débris qui subsiste de l'ancien château, la grosse tour dont il a été parlé au commencement de cette notice, dont le toit s'est effrondré depuis longtemps, mais que naguère nous voyions encore s'élever majestueuse, couverte aux deux tiers d'une épaisse chlamyde de lierre, festonnée de ravenelles. La suppression de ce manteau, dont la nature avait embelli ses derniers lustres, lui a comme fait perdre de l'orgueil imposant qu'elle gardait de ses jours de force, car il n'y a que la jeunesse à pouvoir se passer de parure. Tous les vieillards, quels qu'ils soient, ces images de la fin prochaine, ont besoin pour nous plaire d'être entourés de la fraîcheur d'un renouveau ; l'aïeul, du sourire de ses petits-enfants ; l'année qui finit, des bourgeons des lilas pointant sous la neige et annonçant l'approche du printemps. Nous n'aimons les ruines des vieilles murailles qu'autant qu'elles sont animées ou d'une cépée de chêne ou d'entrelacs de quelques ronces, colorées de mousse, embaumées de serpolet ou d'aubépines. La sève débordante de ces jeunes amis cache de ses feuilles et de ses thyrses leur décrépitude et leur redonne à nos yeux l'illusion de la vie.