La guerre et la captivité
Joseph Sablé
le 24 août 1996
Début de la guerre
Fin Août 1939,
La France déclare la
guerre à l'Allemagne Hitlérienne.
Le
1er Septembre 1939,
la mobilisation générale
est décrétée.
J'ai dû quitter le foyer familial, le mercredi 6 septembre.
Marie Josèphe avait à peine 4 mois. J'ai
dû me rendre à Rennes, à la caserne
Marguerite. Là, je fus affecté à la
10ème Compagnie d'infanterie qui fut formé
à l'école St Yves. Nous faisions partie du
241ème régiment d'infanterie.
Le
19 Septembre 1939,
le régiment a quitté
Rennes
pour se rendre aux alentours de
Nantes.
Ma compagnie dû se
rendre dans un petit pays,
Le
Bignon où nous logions dans
une école. De là, je pu m'en aller en permission,
une de 24H et une autre de 4 jours. Entre temps, nous allions aider
à faire les vendanges.
Le
17 Octobre 1939,
le régiment entier, nous avons pris le
train à
Nantes
pour nous rendre dans le Nord.
Le
19 Octobre 1939,
nous avons débarqué
à
Saint
Pierre Brouck (1), pour se rendre, ma compagnie et moi,
à
Millan
(2), pour quelques jours.
Le
21 Octobre 1939,
nous avons fait à pied sous la pluie 25
kms pour nous rendre dans un petit pays
Wylder (3)
à 10 km de la
frontière Belge. Nous étions logés
dans des fermes. Pour nous occuper, on nous faisait faire, pas
très près de la frontière, dans des
beaux champs de blé, des fossés antichars, et qui
n'ont servi à rien.

Le
25 Novembre 1939,
nous avons quitté ce pays pour se
rendre à
Rubrouck
(4), faire des manœuvres.
Le
10
Décembre 1939, nous sommes partis pour nous
rendre sur
la frontière Belge, notre passe-temps était de
monter la garde.
Le
16
Décembre 1939, je suis parti en permission,
j'ai eu le
bonheur de passer Noël et le jour de l'an en famille.
Le
2 Janvier 1940,
j'ai rejoint ma compagnie.
Le
10 Janvier 1940,
nous avons quitté ce petit pays pour
retourner à
Rubrouck(4)
refaire des manœuvres, dans
la neige. Je fus affecté à la cuisine.
Le
25 Janvier 1940,
nous avons fait 25kms, dans la neige, pour nous
rendre à
Oost-Cappel,
petit pays moitié
Français, moitié Belge. J'ai
été logé chez des braves gens.
Le
4 Mars 1940,
nous avons quitté ce pays pour nous rendre
à 7kms plus loin, dans une ferme. Nous avions la bougeotte.
Le
14 Mars 1940,
je suis parti en permission de 15 Jours.
Le
30 Mars 1940,
j'ai dû rejoindre ma compagnie dans une
ferme pas très loin d'Houtkerque.
Le
12 Avril 1940,
il y a eu une alerte, nous devions plier bagages en
vitesse pour prendre la direction de la Belgique, nous nous sommes
installés dans une grande usine à Hentechoque
(Hondschoote), une fabrique de carton. Nous y sommes restés,
jusqu'au 19 avril, l'alerte étant levée nous
devions rejoindre notre ancien cantonnement.
La permission : Marie-Jospéphe est malade
Le
9 Mai 1940,
au matin, j'ai reçu un
télégramme, m'annonçant que Marie
Josèphe était gravement malade. J'ai eu droit
à une perme de 10 jours. Je suis parti au soir, pour arriver
chez moi le lendemain après-midi, en passant par Paris.
Le
10 Mai 1940,
au matin, comme j'étais à la gare de
Montparnasse, il y a eu alerte, les avions allemands survolaient Paris.
Mais sans bombarder, et j'appris que l'armée Allemande
était rentrée en Hollande, en Belgique et au
Luxembourg. Malgré cela, j'ai pu prendre le train et rentrer
chez moi. Tous heureux de me retrouver en famille, Marie-Joseph allait
déjà mieux. C'est dommage que durant cette perme,
que je me suis pas cassé un bras ou une jambe, ce qui
m'aurait évité de passer cinq ans de
captivité en Allemagne.
La défaite
Le
16 Mai 1940,
je suis parti très tôt,
départ très dur. Je ne partais qu'à
regret, car la bagarre été
déclenchée. J'ai pris le train à
Evron, en direction du nord, pour rejoindre mon régiment qui
évidemment n'était plus là. Il
était monté en Belgique, je suis donc
arrivé le 17 au matin à
Bergues(8).
Le
18 Mai 1940,
je suis allé à Schott (9
socx), au
soir je suis parti pour Uzebrouk (Hazebrouck ?), ou j'ai
passé la journée du dimanche avec d'autres
camarades qui comme moi rentraient de permission, ne pouvant pas avoir
de communication pour la Belgique, nous sommes partis pour Bergues.
Le
20 Mai 1940,
je suis retourné à Schott (9
socx).
Durant cette journée il est arrivé des camarades
de ma division qui s'étaient évadés de
l'Ile Fléksime (Lissewege ???) près de la
Hollande. Les allemands étaient arrivés avant
eux. Ce fut donc pour eux, le sauve qui peut, le moral
n'était pas bon.
Le
21 Mai 1940,
des cars sont arrivés nous chercher. Car
nous étions nombreux, ils nous ont transporté
jusqu'à Dunkerque, de là, un petit train
électrique nous a transporté à
Ostende(1)
en Belgique. Nous avons été rassemblés
dans une caserne et à peine rentré nous avons
été bombardés, nous nous sommes
réfugiés dans une cave, où nous avons
très peu dormi. Car le bombardement a duré une
partie de la nuit Il est tombé quelques bombes,
très proche d'où nous étions.

Le
22 Mai 1940
au matin, nous sommes partis à la recherche
d'un lieu plus sûr. Nous sommes allés dans un
petit fort sur le bord de la côte. Mais nous n’y
sommes pas restés, nous avons passé la nuit dans
un abri. Nous étions très mal couchés.
Le lendemain, nous sommes repartis dans les dunes chercher abri dans
les blockhaus de l'ancienne guerre. Mais dans la matinée, un
officier de mon régiment est venu nous chercher. Nous sommes
partis en camion rejoindre la compagnie sur la frontière de
la Hollande qui tenait position sur le bord d'un canal.
Le
24 Mai 1940,
nous avons changé de position, ainsi que le
26, sans avoir eu de contact avec les Allemands.
Le
27 Mai 1940,
au soir nous sommes partis à pied en
direction de Bruges.
Le
28 Mai 1940,
au matin, comme nous étions
arrêtés sur le bord du canal, nous avons
été mitraillé, il y a eu quelques
tués et blessés. Des cars sont venus nous
chercher pour nous emmener en direction de Dixmude. Nous sommes
passés par
Bruges,
les rues étaient pleines de
réfugiés. Ces pauvres gens qui
s'étaient sauvés devant l'armée
Allemande et qui avaient été refoulés
à la frontière française. Car nous
avons appris que l'armée avait capitulé et que
les Allemands étaient arrivés à
Dunkerque, donc nous étions encerclés. Nous
pouvions avancer très lentement, vu la foule qu'il y avait
dans les rues. Des bombardiers allemands, nous ont survolés.
Mais heureusement, ils n'ont pas lancé de bombes. Car quel
carnage cela aurait pu faire, dans toute cette foule.
Les cars nous ont
emmenés sur le bord de l'
Yser,
où la compagnie a
pris position, dans les anciennes tranchées de la guerre
14-18. Ces tranchées étaient appelées
" les boyaux de la mort ", en souvenir de la résistance de
l'armée Française, dans cette région
pendant la guerre 14-18, même à Dixmude, il y a un
monument en leur mémoire.
Pour nous et d'autres camarades, nous fûmes dans une ferme,
où est installé le bureau de la compagnie. Moi,
je m'occupais de la cuisine avec d'autres camarades. Certains
s'occupaient du ravitaillement, portaient à manger
à ceux qui étaient dans les tranchées.
Le
29 Mai 1940,
au matin la ferme fut bombardée par
l'artillerie allemande à deux reprises
différentes.
Il y a eu un camarade de tué et
plusieurs blessés. La bagarre a duré une partie
de la journée. Ceux qui avaient pris position ont
été obligés de se rendre. Ils ont
été faits prisonniers avant nous.
Dans
l'après-midi, nous fumes encore bombardés et
mitraillés de tous les côtés. Nous
étions cernés, il n'était pas question
de résister, surtout qu'il y avait beaucoup de
réfugiés dans la ferme. Ils étaient
à l'abri dans une cave, le bombardement avait repris,
heureusement sans faire trop de dégâts. Nous
avions décidé de nous rendre, l'adjudant de la
compagnie qui été là n'a pas eu le
courage de préparer le drapeau. C'est le patron de la ferme
qui m'a donné une serviette blanche et une tringle pour
faire un drapeau blanc. Je suis monté dans le grenier,
enlevé une brique et fixé le drapeau. Il m'a
été tiré dessus, mais je ne fus pas
touché, dommage car si j'avais été
blessé, je n'aurais pas été
prisonnier.
Vers 6h du soir,
quatre soldats allemands sont
arrivés à la ferme et nous ont fait prisonniers.
Nous étions une douzaine de soldats valides
restés à la ferme. Nous fûmes
emmenés dans une grande ferme, où on
reçut chacun un bol de lait. Ensuite nous montons sur des
caissons du 50ème régiment d'artillerie de
l'armée Française qui avait
été fait prisonnier le même jour.
La déportation en Allemagne
Nous
fîmes une dizaine de kilomètres pour nous
arrêter dans un pré sur le bord d'un canal. Nous
avons couché sur l'herbe à la belle
étoile
Le
lendemain
très tôt, nous
sommes repartis pour
Torhout,
nous fumes rassemblés dans une
usine, nous étions quatre à cinq cents, dans la
cour. Il y avait une dizaine de cuisines, roulantes
françaises avec lesquelles nous avons pu manger un bon
repas. Là, j'ai appris que tous les camarades de ma
compagnie étaient faits prisonniers à part les
malheureuses victimes.
Dans
l'après-midi, nous sommes partis
en camions, pour aller rejoindre d'autres camarades dans un petit camp
auprès de la petite ville d'Alext (
Aalter ?). Nous
avions
touché une boule de pain pour quatre et un peu d'eau. Le
lendemain matin, nous sommes repartis à pied, nous
étions bien mille prisonniers. Nous avions fait une
trentaine de kilomètres sous un soleil ardent.
Heureusement
que tout le long de la route, des braves gens nous donnaient
à boire, soit du café ou de l'eau et
même ils nous donnaient du pain, ce qui nous faisait grand
plaisir, car la marche était très fatigante.
Même deux camarades sont morts de fatigue.
Nous avions
couché dans une prairie, comme nourriture du pain sec.
Le
1er Juin 1940,
au matin, nous sommes repartis pour
Termonde.
Nous
fûmes installés dans une caserne. Mais les
bâtiments d'habitation étaient très
petits pour loger cette foule. Alors nous nous sommes
couchés ou nous avons pu, soit dans les écuries,
soit sur les tas de fumier, ou dehors. La croix rouge Belge, nous a
donné un bon repas chaud, une bonne soupe au riz et du bon
pain blanc.
Le
2 juin 1940,
au matin, nous sommes repartis assez tôt.
Nous nous sommes arrêtés dans une usine, ou nous
avons pu nous laver, ainsi que notre linge, car avec toutes ces marches
sous le soleil et la poussière, nous étions dans
un triste état.
Dans
l'après-midi,
nous sommes
repartis, nous avons passé la frontière de la
Hollande, nous nous sommes arrêtés à
Axel (8).
Là nous nous sommes rassemblés dans une
gare qui était engrêlée, nous avons
dormi à même le sol et comme nous
étions très fatigués nous aurions pu
dormir n'importe où... Dans cette gare nous avons rejoint un
grand nombre de prisonniers.
Le
lendemain matin,
nous avons pris le
chemin de fer pour nous rendre dans un petit port
Narverbeck Vaest (9).
Là, nous avons touché de la part de la croix
Hollandaise, un repas chaud, une boule de pain et de la margarine, la
moitié de nos camarades ont embarqués le matin.
Nous autres, nous sommes revenus à
Axel (8) dans notre
gare.
Là, il y avait une grande remise dans laquelle il y avait
beaucoup de caisses mais la porte était fermée
à clef, un prisonnier avec du fil de fer a réussi
à faire un passe-partout et ouvrir la porte. Dans ces
caisses, il y avait de la margarine, nous avons donc tous rempli nos
gamelles de soldat que nous avions gardées. Ce qui nous
était très utile sur le bateau.
Dans
l'après-midi, nous sommes repartis, nous avons
embarqué sur deux chalands traînés par
un remorqueur. Nous étions entassés dans les
cales nous pouvions à peine nous coucher.
Le
3 Juin 1940
au soir, nous avons pu remonter l'Escaut, ensuite dans
la mer du Nord, nous avons longé les côtes
jusqu'à l'embouchure du Rhin.
Le
4 juin 1940,
nous avons eu un petit arrêt à
Rotterdam,
pendant cet arrêt, la croix rouge Hollandaise est
venue nous apporter des casse-croûte. Pour la distribution,
c'était la bousculade, ils avaient beau dire " patientez, il
y en aura pour tout le monde ". C'étaient les jeunes soldats
anglais qui faisaient plus de bruit. Ils étaient
affamés, une grande partie des prisonniers
français avaient un certain âge.

Ensuite nous
avons remonté le Rhin jusqu'au petit port d'
Emmerich am
Rhein(2) en Allemagne. Le trajet a duré 2 jours, pendant lequel
nous n'avons touché à aucune nourriture.
Heureusement que nous avions nos gamelles de margarine d'Axel. Mais
cela n'empêche que nous étions
tenaillés par la faim et la soif.
Le
6 juin 1940,
nous avons débarqué au matin,
nous avons été rassemblés dans une
prairie, où nous avons pu toucher du pain et un peu d'eau.
Ensuite, nous avons pris le train, dans des wagons à
bestiaux. Bien entendu, pour nous rendre au camp d'
Hemer (3).
Le
7 juin 1940,
au matin nous y sommes arrivés. Nous
fûmes logés sous des grandes tentes. Nous
étions très nombreux. Pour dormir, nous avions
des planches. Dans ce camp la nourriture était assez bonne
et suffisante. Il y avait des douches, nous pûmes faire
grande toilette. Nous en avions grand besoin, après 10 jours
de voyage fatigant.
Dans ce camp quelques camarades ont été
employés au travail et ils y sont restés.
Le camp de Buchenwald
Le
16 juin 1940,
nous autres, nous avons pris le train, nous
étions tassés dans les wagons à peine
si l'on pouvait se coucher.
Le
17 Juin 1940,
nous sommes arrivés à
Buchenwald (4),
c'est une ville qui se trouve à 90
Kilomètres de Berlin.
Nous avons fait 3 km à
pied, pour nous rendre dans un grand camp, nommé le stalag
IIIA. Nous fûmes mis sous des grandes tentes, comme celle
d'Hémer, mais nous n'étions pas les premiers
à y passer, sur les planches où nous devions nous
coucher, il y avait des poux qui nous dévoraient la nuit,
dans ce camp la nourriture était médiocre et
insuffisante.
Le matin, nous touchions un quart de jus bien clair ,
à 11H, une gargouille de pommes de terre, ou d'orge ou de
pâtes ou de la choucroute, le soir un petit bout de pain de
seigle, avec de la margarine, ou du saucisson, avec cela il fallait se
serrer la ceinture, plusieurs camarades sont tombés malades.
Ce qui nous rendait le plus malheureux, c'était de ne pas
pouvoir écrire à nos pauvres femmes et
à nos parents qui devaient être dans
l'anxiété. Ce n'est que le 25 Juin que nous avons
pu écrire quelques mots sur une carte pour avertir le
recrutement et ensuite nos familles que nous étions
prisonniers.
Le
29 Juin 1940,
nous avons passé à la fouille,
ils ne nous ont laissé que le strict nécessaire,
souliers, chaussettes, pantalon, chemise vareuse, calot et ustensile de
toilette. Nous étions vraiment
allégés, à part les poux qui restaient
dans nos chemises, les tentes en étaient
infectées de ces bestioles, notre passe-temps la
journée, était de faire la chasse.
Ce
jour-là, dans l'après-midi nous sommes
passés aux douches, et nos vêtements, que nous
avons mis, chacun son paquet, furent passés à
l'étuve pour tuer les poux.
Après que nous
fûmes rhabillés, nous nous sommes
rangés, quatre par quatre. Et comme nous étions
plusieurs Mayennais, nous désirions se suivre. Dans mon
rang, Il y avait Doiteau, Madelin et un autre copain de Vilaine,
derrière nous, il y avait Thuars, Roullane et deux autres
copains, nous étions répartis par baraque. Un
gardien nous comptait, et manque de pot, nous fûmes
séparés, nous fûmes mis dans ces
baraques propres, avec lits superposés avec matelas, nous
étions mieux couchés.
Le Lendemain,
30 Juin
1940, nous fûmes vaccinés au
sein, et il nous fut attribué à chacun, un
numéro, moi, j'avais le numéro 33979.
Le travail à la ferme de Wahlendorf
Le
1er Juillet 1940,
Il fut désigné un lot de 30
prisonniers pour aller travailler en culture, je faisais partie de ce
lot ainsi que tous les camarades Mayennais.

Le
2 juillet 1940,
au matin, nous avons pris le train, nous sommes
passés par Berlin, tout pavoisé, à
cause de la victoire sur la France. Nous avons fait à peu
près 100 km après Berlin (au nord-ouest), pour
arrêter à
Neuruppin,
nous sommes
arrivés à 6 heures le soir.
Nous avons descendu
du train pour monter dans une grande remorque
traînée par un tracteur, nous étions
assis sur des bottes de paille, un gardien, nous accompagnait. Nous
sommes atterris à
Wahlendorf (5),
dans une grande ferme
soi-disant de l'état de 500 hectares et plus.
Nous
fûmes logés à l'étage, dans
une grande pièce qui devait servir de séchoir
pour les récoltes, car il y avait tout autour une
espèce de chauffage, mais il ne fut pas allumé
durant l'hiver. Tout autour, des planches à certaine
distance du mur pour maintenir la paille, où nous devions
dormir. Au milieu deux grandes tables et des bancs en bois, nous avons
touché chacun une assiette et un quart
émaillé une fourchette, comme nourriture nous
touchons le matin une tartine avec de la confiture, un quart de
café, du seigle grillé, avec un peu de lait.
Pour
le casse-croûte de 9 heures, deux tartines, soit avec de la
margarine ou de la graisse de porc.
Le midi, nous avions une
"paupouille" de pommes de terre, ou d'orge, ou carottes avec un peu de
viande, le soir, pomme de terre en robe de chambre, avec un peu de
sauce à la farine, ou quelquefois, du lait
caillé.
Les premiers temps nous avions bon
appétit. Après avoir jeûné
pendant un mois, nous nous sommes lassés de cette
ratatouille, et pourtant le menu ne variait pas beaucoup,
malgré qu'il s’améliorât un
petit peu, car ce fut un camarade qui était "boucher" de son
métier, qui fut affecté à la cuisine
pour nous et les Polonais. Car il y en avait cinq de restés
à la ferme, pour conduire les chevaux, ce fut un camarade
qui était boulanger de son métier qui faisait le
pain pour tout le monde, du pain de seigle évidemment, le
blé ne venait pas dans ce pays de sable.
Le lendemain de notre arrivée, nous avons
commencé à travailler, le gardien venait nous
réveiller 1 heure avant le départ au travail, le
temps de faire un peu de toilette et prendre notre petit
déjeuner, à 8h 1/2 nous avions une 1/2 h pour le
casse-croûte, à midi nous avions 1h 1/2
d'arrêt et le soir, on finissait à 6h 1/2 , mais
le temps de rentrer, quelquefois, nous étions assez loin, et
une fois rentrés, il fallait aller laver et
éplucher les pommes de terre pour le lendemain.
Quand nous sommes arrivés, il y avait beaucoup de travail en
retard, du seigle de l'année d'avant à battre, du
foin à rentrer et des étendues de pommes de terre
à sarcler.
Au début, le gardien nous accompagnait
au travail, au mois de septembre, un vieux prussien est venu
à la ferme, comme chef d'équipe au moment du
ramassage des pommes de terre, qui a duré 3 mois il y avait
plus de 100 hectares.
Le
13 Septembre 1940,
10 camarades prisonniers qui venaient du camp de
Verneuil en France sont venus en renfort pour ramasser les patates, ces
garçons-là, avaient reçu la propagande
nazie, tout juste s'ils étaient collaborateurs, surtout en
parti, un sergent.
Dans les premiers jours de leur arrivée,
on revenait d'une pièce assez
éloignée, nous avions un bout de chemin de terre
et ensuite une route peut-être 600m avant d'arriver
à la ferme, ce jour-là, le gardien
était avec nous, peut-être de combine avec le
sergent qui voulut nous faire mettre trois par trois, et nous faire
marcher au pas, mais pas un seul des anciens ne voulut
l'écouter, il eut beau gueuler rien à faire.
En
arrivant à la chambre, il y eu un ancien qui le prit par son
bouc, et lui demandait s'il avait envie de rentrer en France et en lui
disant, " nous sommes des prisonniers et non des soldats, si tu veux
collaborer, engage-toi dans l'armée Allemande ", et les mots
sont montés, il n'était pas fière et
il n'a jamais recommencé, on en revenait pas comme ces
gars-là avaient pu croire dans la propagande nazie, ils
pensaient être libérés à
Noël, mais ils ne leur avaient pas dit qu'elle
année.
L'hiver est venu, il faisait très froid,
nous allions étendre du fumier sur la neige, nous avions des
patoches pour dormir. Nous avions fait des couvre-pieds avec de la
balle d'avoine.
L'hiver 40-41, le patron a mis le chauffage de notre chambre en marche
c'était plus agréable.
Cet hiver, j'ai
travaillé à la distillerie de pommes de terre. Je
commençais plutôt, et je touchais un
casse-croûte supplémentaire, et j'étais
au chaud.
Au début d'
octobre 40, nous avions un gardien qui
parlait le français, avant la guerre il était
coiffeur à Paris, il avait été
blessé au bras droit, il était là en
convalescence, un jour que nous étions à arracher
des betteraves, il avait son fusil, il aperçut un sanglier
qui dormait dans un coin de chanvre, il le tue, pensant que nous
allions le manger, nous lui arrachons les quatre pattes et avec un
trique, nous l'avons apporté à la cuisine, mais
quand la patronne vu cela, elle levait les bras au ciel, et le gardien
se fit sermonner, le sanglier fut transporté à
l'intendance par le laitier qui livrait le lait tous les matins
à la ville de Neuruppin.
Quelques mois après, au mois de
janvier 1941, le boulanger
s'était levé assez tôt pour chauffer
son four, qu'il chauffait avec des branches de sapins, il faisait
à peine jour, il fut surpris de voir une biche
couchée sur les branches, elle ne pouvait plus bouger, elle
était blessée à une patte.
Il remonte
vite à la chambre, nous annonça cela, nous
étions trois qui travaillaient à la distillerie,
plus le cuisinier boucher. Nous nous sommes donc levés, nous
avons traîné la biche dans la chaufferie, il avait
une grosse chaudière avec une grande cheminée,
comme dans une usine, nous avons tué la biche, la peau, la
tête, les pattes, les boyaux, tout dans le foyer.
Le
cuisinier a pris ce qui fallait comme viande pour la journée
et le reste nous l'avons monté sur le haut de la
distillerie, où il y avait un genre de petit donjon en
courant d'air et comme il faisait moins 20°, il n'y avait aucun
danger pour la viande.
Mais le
lendemain matin, le directeur de la
distillerie me demanda :
" Elle était bonne la biche ? "
Mais je faisais comme l'homme qui ne savait rien,
mais il dit
" Ne fait pas l'imbécile " " vous avez
été vu ", " où l'avez-vous mise ".
Je faisais toujours le gars qui ne savait rien.
"Mais, si vous l'avez montée là-haut, il faut
aller chercher la patronne".
Nous sommes donc montés, mais quand la patronne a vu la
biche, qui n'était plus entière, il
n'était pas possible de l'expédier, elle demanda
comment faire.
Moi, je lui ai dit : "Madame, prenez chacun un morceau et
ne dites rien".
L'affaire fut classée ainsi, et nous
pûmes manger de la biche avec le gardien.
Le travail à la ferme de Derrizt
Le
22 Mai 1941, notre commandant fut remplacé par des
prisonniers russes. Trois copains sont restés à
la grande ferme, comme conducteurs de tracteur, ils y sont
restés jusqu'à la fin de la guerre. Tous les
autres camarades furent répartis dans les petits pays aux
alentours pour travailler dans les petites fermes.
Moi, je fus conduit
avec 9 autres camarades à
Derrizt (Temnitzquell ?)
à 2 Kms de la grande ferme.
Nous étions
très bien logés, bien couchés, mous
avions des lits superposés avec paillasse et de bonnes
couvertures.
Je travaillais dans une ferme d'une quarantaine
d'hectares.
Le patron était sympathique, il
n'était pas nazi, il avait trois enfants 16, 15 et 9 ans. Je
me plaisais bien chez ses gens -là.
Au début
d'
octobre 1941 un soir que l'on rentrait du travail avec les deux
aînés, sur la route, on a rencontré
deux jeunes à vélo. Ils se sont
arrêtés pour dire bonjour à leur
copain.
Un d'entre eux parlait français, alors je lui
demandais pourquoi qu'il apprenait le français, il me
répondit que, après la guerre il serait chef de
culture en France. Alors je lui répondis en lui certifiant,
qu'il ne serait certainement pas chef de culture en France, parce que
l'Allemagne perdrait la guerre. Je crois que si la foudre
était tombée à ses pieds, il n'aurait
pas été plus surpris.
Il
répéta aux fils de mon patron, qui à
leur tour furent surpris. Ensuite je leur dis, " oui mes enfants, c'est
bien triste pour vous, mais la Russie ce sera
l'anéantissement de l'armée Allemande ".
Retour au camp de Buchenwald
Le
15 Janvier 1942, nous apprenons que dans les fermes où il
y a assez de main-d'œuvre, les prisonniers
français étaient enlevés, ce qui fut
mon cas.
Le
28 Janvier 1942, il fallut rejoindre le stalag. Nous sommes partis
de ce petit commando où l'on était si bien. Ce
fus donc dur de dire au revoir au patron. Il avait le cœur
gros, il me disait, tu vas aller travailler en usine, je te souhaite
qu'il ne t'arrive rien, mais mes deux aînés seront
bientôt mobilisés, et ils iront en Russie, en
reviendront-ils, et il se mit à pleurer.
Nous avons donc
rejoint notre camp à
Buchenwald, où il se faisait
un grand rassemblement de prisonniers qui venait d'un commando de
culture, pour aller ensuite travailler en usine, remplacer les hommes
qui étaient mobilisés pour combattre en Russie où
l'armée Allemande subissait de grosses
défaites.
Nous fûmes logés dans des
baraques dans lesquelles il y avait des lits superposés,
mais pas de paillasses. Nous couchions sur la planche, et il y avait
des puces qui nous dévoraient la nuit.
Un soir, j'ai voulu
dormir avec mes chaussettes ce fut encore pire.
Travail à l'usine chimique de Ruhland
Le
4 Février 1942 au matin, nous fûmes
rassemblés 450, nous avons pris le train, nous avons
descendu à la gare de
Ruhland.
Nous avons fait 4 Kms
à pied pour arriver dans un camp tout neuf au milieu de la
forêt, nous fûmes répartis dans de
grandes baraques qui avaient des lits superposés, mais avec
paillasse. Malheureusement nous avions apporté des puces
avec nous.
Le lendemain matin nous avons fait 3Kms pour rentrer dans de
très grandes usines, où il était
fabriqué de l'essence synthétique avec du
charbon. Nous fûmes répartis par groupes, il y eu
3 groupes de 100 qui devaient faire un roulement de 3/8, un groupe de
150 dont je faisais partie, à l'entretien de l'usine.
Les
gars qui furent attribués aux groupes des 3/8, avaient un
travail malsain. Ils devaient travailler aux fours ou le charbon
était dissout, 2,5 tonnes à chaque fois, tous les
1/4 heures. Il fallait qu'ils ouvrent une vanne pour que le charbon en
fusion s'échappe. Pour se refroidir, il était
arrosé. Mais il s'échappait une fumée
de gaz que ces pauvres gars respiraient. Il n'y avait pas de masque,
beaucoup de ces pauvres gars en sont morts, l'année
suivante.
Il y avait 21 fours en action dans cette usine. Ils tiraient
de l'essence avec un mélange de charbon, du coke et du
charbon qui étaient tirés des mines à
ciel ouvert. Elles étaient situées à
quelques kilomètres de l'usine au milieu de la
forêt. Sous quelques mètres de sable, ils
obtenaient du charbon, qu'ils puisaient avec de grandes dragues, qui
marchaient électriquement. Ce charbon était
chargé dans des wagons qui le transportaient dans une usine
pour obtenir des briquettes. Et était acheminé
dans notre usine, dans des wagons qui s'ouvraient par le bas, pour
descendre dans de grandes soutes situées sous la ligne de
chemin de fer. De là, ce charbon ainsi que le coke
étaient transportés par tapis roulant aux fours
en action.
Le groupe de 150, dont je faisais partie, fut
affecté à l'entretien. Nous étions un
groupe de 25 à la centrale, d'où partait la
chaleur pour dissoudre le charbon dans les 18 fours qui
étaient en action.
Ce groupe de 150, était
installé dans la même baraque, nous devions
être réveillés avant 5h, le temps de
faire un peu de toilette, et prendre notre petit déjeuner.
Celui-ci se composait d'un peu de café, d'une tartine de
pain, un peu de margarine. Ensuite départ à 5H
1/2 pour aller à l'usine, 1/2 h de marche. Le soir, nous
rentrions à 6H 1/2, rien dans le ventre, nous touchions la
soupe du midi en rentrant, ainsi que celle du soir peu
après.
Nous ne pouvions pas prendre avec nous biscuits et
chocolat de nos colis. On était fouillé en
rentrant dans l'usine, et on nous piquait tout. Ils ne voulaient pas
que l'on fasse de la propagande antinazie avec les ouvriers. Nous
sommes donc arrivés à leur faire comprendre
qu'ils étaient en guerre. Pour la question d'être
sans manger, nous nous sommes plaints à l'homme de
confiance. Ce dernier a été voir la direction
pour expliquer notre cas. Elle voulait bien qu'une voiture de l'usine
aille chercher notre soupe le midi, mais l'adjudant-chef du commando, a
refusé.
Un soir, tous, nous avons
décidé de faire
grève : de ne pas
aller le lendemain matin au travail. Mais il y eu un mouchard, ou
peut-être des écouteurs qui enregistraient tout ce
que l'on se disait dans les chambres. Toujours est-il que le lendemain
matin avant 5h, quand un gardien est venu ouvrir la baraque et nous
dire de se lever, l'homme de confiance est arrivé pour nous
dire les gars levez-vous, vous devez aller travailler comme d'habitude.
L'adjudant est au courant. Il fit venir l'armée, sept
mitrailleurs, nous attendaient au poste. Habituellement le gardien nous
appelait de la porte pour sortir. Mais ce matin-là, il y
avait un gardien par chambre, pour nous faire sortir à coup
crosse de fusil, mais personne n'a bronché, nous sommes
sortis et passés devant les mitrailleurs.
Mais le long de la
route, nous avons décidé d'aller travailler. Mais
nous ferons semblant, chose qui fut faite, dans notre
équipe. Ceux qui travaillaient à
l'intérieur de la Centrale à la construction d'un
four, faisaient leur possible pour amuser les ouvriers allemands et
comme ils n'étaient pas courageux, tout marchait bien. Pour mon
équipe notre travail consistait à remplir des tuyaux de sable,
qui étaient mis sur des braseros, ensuite pour leur donner
la forme nécessaire. Ces tuyaux assez longs (15cm de
diamètre) étaient suspendus à un
poteau sur lequel il y avait une petite plate-forme sur celle-ci, un
camarade vidait les sceaux de sable. Ce dernier montait à
l'aide d'une poulie, tout cela nous le faisions d'une lenteur imaginale
pour tasser le sable. Je donnais peut-être un coup
à la minute, le directeur du chantier, de son bureau, nous
voyait.
Au bout d'une dizaine de jours, il m'appela " SABLE ", il
était en colère, il me demanda qu'est-ce-qui se
passait. Vous ne faîtes plus que semblant de travail, au
four, c'est la même chose, il faudrait que ce four soit mis
en marche dans 15 jours, et il ne sera pas près, mais enfin
que se passe-t-il.
Je lui répond : " Vous, Messieurs, ainsi
que les ouvriers allemands, à midi, vous allez manger
à la cantine, prendre un bon repas, nous, nous n' avons
rien, que de l'eau, et en plus dans la baraque que nous avons pour le
midi, nous ne possédons pas de banc, si l'on se couche sur
le parquet, les gardiens de l'usine viennent nous faire lever
à coup de pieds dans le derrière, et en plus nous
avons faim, nous avons demandé à avoir de la
soupe le midi.
La direction est d'accord, pour nous l'apporter, mais
l'adjudant-chef du commando a refusé de la donner. Nous
sommes des prisonniers de guerre, nous voulons être
traités en hommes et non en esclaves.
Le Directeur, me demanda : "si vous avez de la soupe le midi, est-ce
que vous reprendrez normalement le travail".
Je lui répondis
" Oui ", les français n'ont qu'une parole.
Il
téléphona donc à la direction, et
expliqua ce que je venais de lui dire. Deux jours après,
nous avions de la soupe le midi, pour les 150, et les " schupos "
gardiens de l'usine venaient nous embêter.
Accident de travail
A la fin de
juin 1942, il nous fallait monter un tuyau en hauteur. Nous
avions des palans, un ouvrier nous aidait. Il était
monté sur un mur, il tirait à l'aide d'une
ficelle, il fit un faux pas et le radiateur de plus de 100 kilos mal
fixés, tomba sur ma jambe droite, l'écrasant, le
genou fut aussi atteint.
Avec une petite voiture électrique,
on me transporta au commando, et à peu près tous
les jours, on venait me chercher pour que le Docteur de l'usine me
soigne. Il était bien sympathique.
Et au commando, j'allais
tous les jours faire des pansements par l'infirmier. Lui aussi
était très sympathique, il me mit d'ailleurs
exempt de travail jusqu'au 15 Septembre. Je passais mon temps
à me balader dans le camp ou quand il faisait beau, je
dormais sur la bruyère.
Je rencontrais souvent l'homme de
confiance, un jour au début d'août, il me dit je
ne sais ce qui se passe, il y a quelqu'un, qui vole dans les colis des
prisonniers, en particulier chocolat, biscuits, sardines à
l'huile.
Tous les colis qui nous venaient de France ne nous
étaient pas donnés dans ce commando. Il y avait
une grande chambre spéciale, où chaque prisonnier
avait sa petite case, où était
déposé le contenu du colis. Deux listes
étaient faites pour chaque colis. Une restait dans la case
et l'autre était remise aux prisonniers.
Tous les soirs
quand nous étions de retour du travail, il y avait une
distribution des colis. Mais nous ne pouvions prendre qu'une seule
chose à la fois, qui était effacée sur
chacune des deux listes, ce qui fit ouvrir l'œil à
l'homme de confiance.
J'ai une clef de la chambre et l'adjudant peut
rentrer dans celle-ci. Un soir me baladant à la nuit
tombante, j'aperçus de la lumière dans cette
fameuse chambre, je m'approche, qu'est-ce je vis, l'adjudant
remplissait ses poches. Je sautais vite dans la baraque, où
couchait l'homme de confiance, il s'appelait " Werber " Je lui dis
viens vite, le voleur est dans la chambre. Il avait des grandes jambes,
il fut rendu avant moi, le voleur était encore là
: ne dit rien j'irai demain à la direction.
La direction fut
donc mise au courant le lendemain comme convenu. Et comme elle n'aimait
pas l'adjudant, elle a prévenu la commendataire, il fut
pisté. En descendant de son vélo à la
porte de Ruhland pour expédier les colis à ses
copines, il fut arrêté et l'on ne l'a plus revu.
Il fut remplacé par un ancien qui aimait les
Français. La vie devient donc plus agréable et la
nourriture meilleure.
Travail à l'usine de sidérurgie de Finsterwalde
A la fin de
septembre 1942, nous apprenons que nous allons quitter ce
fameux commando et que nous allons être relevés
par des Italiens. Au mois d'août, les Américains
ont débarqué en Italie, et l'armée
Italienne a capitulé, et une partie des soldats Italiens
furent prisonniers par leurs amis les Allemands, ce qui nous faisait
rire et nous donnait de l'espoir. L'armée Allemande allait
de défaite en défaite, elle était
coriace, ils ont tenu jusqu'à l'anéantissement de
l'armée complète. Ce qui a demandé
encore beaucoup de temps, puisque les Allemands n'ont signé
l'armistice que le 8 Mai 1945.
Le
8 Octobre 1943, nous avons quitté ce fameux commando,
dont nous gardions que des mauvais souvenirs, quelques jours avant de
partir, nous avions touché nos colis. Nous nous rendons
à la gare de Ruhland, prendre le train, pour aller 25 Kms
plus loin à
Finsterwalde. Là, nous
fûmes répartis en trois lots, pour aller
travailler dans trois usines différentes.
Pour moi, nous
étions 150, nous logions dans des baraques bien insalubres.
L'hygiène faisait défaut, la nourriture laissait
aussi à désirer, mais nous étions
libres de sortir le dimanche et même dans la semaine. On
arrivait à se procurer du pain ou des pommes de terre.
L'usine où je travaillais, faisait beaucoup d'appareils
électriques, dans mon atelier, on fabriquait des postes
à soudure, pour souder tank, sous-marins et autre gros
matériel. Mais je fus mis à aider un Allemand sur
une grosse perceuse moderne et précise. Le travail
était peu fatiguant et propre. On commençait le
travail à 6h du matin et finissait le soir à 18h.
Nous avions 1h le midi, pour manger une nourriture bien moyenne,
heureusement que nous recevions bien nos colis de France pour
améliorer l'ordinaire.
Le dimanche, nous sortions, et nous
allions souvent en forêt, cueillir des champignons.
Quand nous fûmes arrivés, dans ce nouveau
commando, on nous demandait si on voulait assister à la
messe, le dimanche. Nous devions nous rassembler à 9h 1/2
pour nous y rendre. Car la messe était
célébrée dans un autre commando, par
un prêtre prisonnier.
A notre arrivée, je vis
également mon camarade Joseph Shuard, avec qui j'avais fait
mon service militaire, au Maroc. Nous avions fait la guerre et nous
avions été prisonniers. Nous nous sommes
séparés à la fin de juin 1940, au
moment que nous partions travailler. Il travaillait dans une menuiserie
et il y resta jusqu'à la fin, beaucoup de ses camarades
travaillaient chez des particuliers en ville. Ils arrivaient
à se débrouiller. Moi, je faisais toujours
partage avec Roger Daumère et le petit Louis d'origine
Polonaise. Il habitait le nord où il était mineur
de son métier.
Pour les fêtes de Noël et du jour de l'
an 44, nous
avions essayé d'améliorer l'ordinaire le mieux
possible. Les premiers jours de l'année se
passèrent, dans le calme à part quelques alertes.
Le lundi de la Pentecôte, je me promenais avec des copains en
forêt, tout d'un coup, nous entendions un ronflement d'avion
qui passait au-dessus de nous.
L'usine d'essence
synthétique fut bombardée. On voyait de la
fumée, cela nous faisait plaisir. Mais, malheureusement les
Allemands remirent au plus vite, tout en œuvre pour que
l'usine continue à tourner.
Ils allaient manquer d'essence,
car en Russie, ils avaient beaucoup de défaites, et
l'essence leur était nécessaire. Elle venait de
Russie.
Le
6 juin 1943, nous apprenons que les alliés
étaient débarqués en Normandie, cela
nous donnait beaucoup de courage, la fin approchait, les bombardiers
alliés sont venus à plusieurs reprises bombarder
la fameuse usine qui fabriquait de l'essence.
Travaux à la gare de Ruthland
A la
fin de juillet 1943, un dimanche matin, les gardiens
désignèrent 60 hommes pour soi-disant, refaire la
gare de Ruhland qui était très proche de la
fameuse usine. Des camions ont été mis
à notre disposition pour se rendre. Nous avons
passé par Schwarheide (usine BASF aujourd'hui), pays que
nous connaissions. Après le carrefour, nous aurions
dû tourner à droite pour aller à la
gare, mais les camions ont tourné à gauche, vers
la fameuse usine. Cela nous fit un choc, on se disait : ils nous ont
encore menti. Enfin il fallait bien suivre, nous avions
longé l'usine qui était dans un drôle
d'état. Nous sommes arrivés à
l'entrée, que nous connaissions bien, les bureaux n'avaient
pas trop souffert. On demanda au gardien, où il fallait
s'adresser, car on avait peur de revenir dans cette usine.
Après un certain temps, on nous annonça que la
Direction n'avait reçu aucun ordre. Elle ne savait pas quoi
faire de nous. Alors de tout cœur on cria : " il faut nous
ramener d'où l'on vient ". Mais, un officier allemand
arriva, il parlait assez bien le français. Quand il nous a
vu, il dit " Ah, voilà mes hommes, vous serez là
une dizaine de jours, le temps de refaire les voies à
travers l'usine. Il dit également au gardien qu'il fallait
retourner à Schwarheide qu'il y avait des baraques pour nous
loger.
Pendant ces dix jours, nous fûmes assez bien nourris,
par l'armée.
Tous les matins, nous partions à 6h, nous travaillions
à refaire les voies de chemins de fer, il y avait des trous
à remplir, poser des traverses et des nouveaux rails, car
les anciens étaient tous tordus.
L'usine était
dans un triste état, la centrale où j'avais
travaillé était aplatie, les cheminées
avaient tenu le choc, seule une était
éventrée, mais pas tombée. Sur les 21
fours et gazomètres, un seul n'était pas
touché, et dès qu'ils ont pu, ils ont
amené une grosse locomotive pour remettre ce four en marche.
Tout fut remis en œuvre, pour que l'usine tourne.
Les
Italiens qui nous avaient remplacés n'étaient
plus là. C'étaient des pauvres
déportés qui étaient là,
ils nous faisaient pitié. Dans les premiers jours, qu'on
était là, l'un de leur camarade avait du mal
à marcher. Il était blessé
à une jambe. Au bout de quelques jours, ne le voyant plus,
on s'inquiéta, et on demanda ce qui à pu se
passer. Ne pouvant plus travailler ils l'ont tué, c'est ce
qui nous attend.
Ils n'étaient nullement au courant des
événements de la guerre, et comme ils n'avaient
pas le droit de nous parler. Heureusement, parmi eux se
trouvèrent des Français. Alors entre nous, nous
avons pu raconter les événements suivants :
La défaite de l'armée allemande sur tous les
fronts
Les Allemands chassés d'Italie avaient capitulé
Les alliés avaient débarqué le 6 juin
et que la France allait bientôt être
libérée
Et de grosses défaites en Russie.
Prenez courage, au printemps prochain ce sera la libération.
Ils nous disaient " merci ". Car ils étaient heureux
d'apprendre toutes ces bonnes nouvelles. Nous étions au
courant des événements, par certains camarades
qui travaillaient chez des particuliers en ville, même
à la fin, un parmi nous avait arrivé à
se procurer un poste.
Conflit avec un chef d'équipe
Au bout de 10 jours, nous sommes rentrés à notre
commando. Pendant ce temps, il avait été
installé une perceuse pour suppléer à
la grosse, ou je travaillais. Je fus donc attribué
à cette nouvelle machine, je perçais toutes les
pièces que le patron de la grosse perceuse me donnait.
Dans
cet atelier, il y avait plusieurs équipes de prisonniers,
qui étaient commandées chacune par un Allemand.
Au centre de l'atelier, c’étaient des machines, et
sur le bas-côté les établis
où les équipes travaillaient.
En face de ma
machine, un Allemand avec lequel, je ne m'entendais pas bien. Je
croyais même que c'était un mouchard, les autres
allemands en avaient peur.
Un jour, que je perçais des
pièces, sur la nouvelle machine, ce chef d'équipe
vint me dire, je vais t'apporter des pièces à
percer. Je lui répondis " apporte tes pièces si
tu veux, mais je ne les percerais pas. Car si le travail est mal fait,
tu diras que j'ai fait du sabotage. Il ne tient pas compte de ma
réponse, et m'apporta ces pièces. Il les posa sur
la tablette de ma machine. Alors d'un coup de main, je lui
balançais ses pièces parterre. Je finis mon
travail, j'allais au cabinet par une porte en face de ma machine. Il y
avait des bancs pour s'asseoir, j'allais donc discuter avec des
camarades qui étaient comme moi pas courageux.
Quand je suis
rentré dans l'atelier, le directeur était
là, il me dit qu'est-ce-qui ne vas pas, on refuse de
travailler.
Je dis non, je n'ai jamais refusé de faire ce
que mon patron me demande. Je l'ai toujours fait consciencieusement.
Mais, tu viens de refuser de faire ce que le rouquin te demande. On
l'appelait le rouquin, car ses cheveux étaient rouges.
Je
répondis au directeur, il y a dix chefs- d'équipe
dans l'atelier, s'il fallait que j'obéisse à
tous, je dis non, je ne connais que mon patron avec lequel je
travaille, alors il me répondit bon ça va.
Cela
se passa un mercredi.
Le vendredi au soir, l'homme de confiance du commando vint me voir dans
ma chambre, il me dit qu'est-ce-qui t'arrive. Tu as un bon dossier au
bureau et il est salé, il faut que tu te tiennes
près, on te conduira au tribunal dimanche matin.
Donc, le
dimanche matin, un gardien vint me chercher baïonnette au
canon, arrivé dans ce fameux tribunal, je fus mis dans un
couloir assis sur un banc avec d'autres camarades qui devaient
être jugés aussi. Au bout d'un certain temps, tout
au bout du couloir une porte s'ouvrit, un soldat allemand rentra, je le
regardais, je me disais voilà une figure que j'ai vue autre
fois. Lui aussi me reconnut, c'était le gardien qui avait
tué le sanglier, et avec qui l'on avait eu la biche. Il me
demanda qu'est-ce-que tu fais là toi Sablé, et
comment cela se fait que tu es par là. Je lui expliquai que
le commando de la grande ferme avait été dissout,
que j'avais été 8 mois, dans un petit commando de
culture et ensuite 8 mois dans la fameuse usine, et ensuite nous
étions arrivés là et je lui racontai
mon histoire avec le rouquin. Oh ! Il me dit ne t'inquiète
pas on va arranger cela.
Après son départ, les
camarades qui se trouvaient avec moi furent très surpris, de
me voir parler en ami avec ce soldat allemand, qui parlait
très bien le français. Je leur expliquai que ce
gars-là avait été coiffeur
à Paris, avant la guerre. Comment je l'avais connu, dans mon
premier commando de culture. Que j'étais devenu ami et
qu'ils n'avaient aucune crainte à avoir, car il aimait les
Français et qu'il allait nous défendre.
Quand ce
fut mon tour de passer au tribunal, c'était un vieux
capitaine qui servait de juge. Il expliqua le fameux dossier, je lui
répondis que j'étais cultivateur de mon
métier et qu'ils voulaient me faire travailler sur une
machine précise et que j'avais du mal à
m'adapter. Mais je n'avais jamais refusé le travail que mon
patron me commandait de faire. Que c'était avec ce seul chef
d'équipe que j'avais eu des ennuis. Je lui dis
également de me mettre en culture, que même s'il
n'y a pas de chef, je me charge de diriger la ferme consciencieusement.
Bon ! Il me répondit, donnez-moi votre n° de
matricule, on va s'occuper de vous trouver une place en culture.
Je
suis donc rentré au commando, les gars étaient
tous à me demander, qu'est-ce que tu as, je leur
répondis, j'ai eu de la chance, car ce que l'on craint le
plus en usine ce sont les bombardements.
Le lundi matin, il a fallu bien retourner au travail, le fameux
rouquin, quand il m'a vu reprendre ma place à la machine
:"Sablé, n'est donc pas en prison !". Il aurait
désiré que l'on m'expédie dans un
commando de redressement. Son camarade lui dit c'est bien mieux que
cela, ils vont lui trouver une place en culture, il a de la chance. Le
rouquin en colère va tout répéter au
directeur.
Deux jours après une note arrive au commando "
indispensable à l'usine ". J'étais
déçu.
Cette grosse perceuse était
conduite par deux allemands, de jour et de nuit à tour de
rôle. Il y eu des Allemands de mobilisés, je fus
donc attribué à cette machine, je travaillais une
semaine de jour et l'autre de nuit. J'aimais bien travailler de nuit,
car comme j'étais le seul prisonnier à travailler
la nuit dans cet atelier, j'allais manger à la cantine avec
eux à minuit et j'avais droit à une soupe.
Les pommes de terres
Dans le mois de
septembre 1944, l'après-midi, je sortis de
l'usine, je gagnais la campagne, j'allais dans les prairies, ramasser
des champignons.
Un jour, que je longeais un champ, je fus
interpellé par un Allemand qui était
accompagné de femmes et qui ramassait des pommes de terre.
Tu t'évades, je lui dis non, je cherche des champignons pour
améliorer l'ordinaire.
Il me demanda un tas de choses,
où je travaillais, la nourriture, et il dit ensuite, tiens
si tu veux emporter des pommes de terre, c'est meilleur que tes
champignons. Il me dit ensuite, si tu veux venir demain, cela nous fera
plaisir, entendu, je fus tous les après-midis à
leur aider, et, j'emportais des pommes de terre, comme il
était content de moi, il me dit si tu veux, il faut dire
à tes camarades que dimanche après-midi, ils
peuvent venir en prendre, où elles sont
été bâchées. Il y en avait
beaucoup d'enterrées, où elles étaient
bâchées avec une machine à tourniquet.
Le dimanche après-midi, il y avait du monde dans le champ.
Dans la baraque, nous avions coupé le parquet sous un lit,
enlevé le sable, nous avions notre réserve de
pommes de terre pour une partie de l'hiver. Pour les faire cuire dans
la chambre il y avait un poêle assez long qui chauffait au
charbon. Nous étions deux dans ma chambre, à
travailler la nuit, mais pas la même semaine. Alors les gars
préparaient leurs gamelles de patates, le midi, et
c'était un de nous deux qui surveillait la cuisson, le reste
de l'année se passa dans le calme, à part des
bombardements qui devenaient plus fréquents, surtout dans
les grandes usines. Trois, dans cette ville, furent
bombardées.
Nous passions les fêtes de
Noël et le jour de l'an avec plus de gaieté, car
nous savions que c'était les dernières que nous
passions dans ce maudit pays.
Le bombardement
Le
15 Janvier 1945, je travaillais de nuit, après minuit,
l'alerte n'étant pas encore sonnée, qu'une bombe
tomba dans l'entrée de l'atelier. J'arrêtais vite
ma machine et par la porte d'en face, je sortis pour me mettre
à l'abri entre deux tas de poteaux. J'étais
à peine allongé, qu'une bombe tomba à
trois mètres.
Par le déplacement d'air, je fus
soulevé et par le bruit de l'éclatement,
ça m'a craqué dans la tête. Je
n'entendais plus rien. J'étais couvert de gravât,
quand tout fut rentré dans le calme. Je me levais, je ne
m'occupais pas de l'atelier qui brûlait, mais j'ai tout de
suite pensé aux copains qui étaient
enfermés dans le commando, et comme l'alerte n'avait pas
été sonnée, ils n'avaient pas
été aux abois. Si une bombe était
tombée sur le commando quel carnage cela aurait pu faire.
Une chance, située qu'à 100 m de l'usine, il n'y
avait rien eu. Pour mes oreilles, ils ne voulurent pas s'occuper de
moi, la misère commença. Nous fûmes
quelques jours sans travailler, cela ne nous déplaisait pas.
Les tranchées
A la
fin du mois de Janvier 1945, on nous emmenait en campagne faire
des tranchées. Pour mon équipe, nous
étions derrière une ferme, il fallait faire un
emplacement pour mitrailleuses, le gardien ne n'occupait peu de nous,
c'était un vieux " prussien ", qui croyait encore
à la victoire, qui nous commandait, il aurait
désiré nous faire travailler dur et vite. Comme
il n'y arrivait pas, il nous menaçait avec sa canne, qu'il
nous caresserait les côtes.
On rigolait de lui et cela le
faisait mettre en colère. Un beau jour de
février, il faisait froid et il tombait de la neige, pour
nous réchauffer, nous ramassions du bois à la
ferme, pour faire du feu. Et comme le vieux prussien n'était
pas arrivé, on se chauffait. Mais tout d'un coup, on
l'aperçut.
Roger et moi nous fumes dans le trou, on se mit
à enfoncer des piquets, et palisser avec des branches de
saule. Car dans ce coin, la terre n'était que du sable.
Quand le vieux fut là, il vit que l'on travaillait avec
acharnement. " C'est bien, les gars ". Il descendit dans le trou,
planta sa canne, et nous continuions à travailler.
Au bout
de quelque temps, ils partirent voir une autre équipe, qui
travaillait plus loin, mais il oublia sa canne. Et comme, à
chaque extrémité de celle-ci il y avait des bouts
de fer, on les coupa et on les enfonça dans la vase du
ruisseau. Le reste dans le feu, au bout d'un certain temps, il revint
et regarda dans le trou.
Il nous demanda " va mènes Schaun "
où est ma canne, mais personne n'avait vu sa canne.
Il
repartit donc voir l'autre équipe, et il y eu certainement
des mots, car il se mit en colère, il prit un piquet et
frappa sur un camarade.
Le voilà qu'il revient nous voir et
attaqua Roger qui, à ce moment-là, cassait une
petite croûte au pied du feu.
On se parlait en allemand, les
mots montaient et Roger disait, " ne me touche pas ou bien je t'enfonce
mon couteau dans le ventre " je dis à Roger ne fait pas
cela, et pour calmer l'affaire, je fus sur le bord du trou,
voilà le vieux qui arrive et il me dit, là je ne
me trompe pas, tu vas me dire où tu as mis ma canne.
La
réponse fut toujours la même " je n'ai pas vu ta
canne ".
Il était rouge de colère, il prit un
piquet pour me frapper, alors j'attrape le piquet des deux mains, je
fis un tourniquet et le vieux tomba les quatre fers en l'air,
à ce moment-là, arrive un adjudant qui venait de
voir le coup se faire, évidemment il me demanda qu'est-ce
qui se passait pour avoir eu cette bagarre.
Le vieux expliqua le coup
de sa canne, mais nous ne l’avons pas vu, il lui dit vous
n'avez pas le droit de frapper sur les prisonniers.
Travail à la Brasserie
Il prit mon
numéro de matricule, le lendemain je fus changé
de commando, je fus attribué dans le commando où
était Joseph Shuard. Le surlendemain, un gardien m'emmena
tout à fait à l'autre bout de la ville, un peu en
campagne dans une brasserie, où le patron n'avait pas l'air
bien sympathique.
Dans cette brasserie, il y avait comme ouvriers trois
vieux allemands et un jeune Belge. Ce dernier travaillait, il avait
peur des Allemands. Je lui dis ne travaille pas comme ça, il
n'était pas au courant des événements,
je lui dis que la guerre va bientôt finir.
Les Russes seront
bientôt là. Au printemps, nous rentrerons chez
nous, un jour le patron me dit : "tu vas aller laver les bouteilles", et
comme il y avait de l'eau dans la laverie, je lui dis mes souliers sont
percés, donne-moi des bottes si tu veux que j'aille.
Il me
répondit: "non tu n'auras rien".
"Eh ! bien je n'irai pas
attraper du mal à la veille de la libération. Car
c'est pour bientôt que l'on va être
libéré". Il m'envoya charger du fumier, car il y
avait des chevaux qui lui servaient pour livrer la bière en
ville, je mis toute ma journée pour charger deux tombereaux.
Il me traita de fainéant.
Alors, je lui répondis :"c'est un honneur pour un prisonnier d'être traité
de fainéant". Cela le fit mettre en colère.
Au bout d'une dizaine de jours, un matin, il fallait reculer un plateau
à quatre roues, le mettre à
côté du quai pour charger les fûts de
bière. Les deux vieux étaient de leur
côté et moi de l'autre. Et au lieu de pousser je
retenais. Le patron s'en aperçut, il se mit à
m'engueuler. Enfin le plateau fut mis à
côté du quai, on le chargea de fûts.
Après je dis au patron, j'ai un rendez-vous chez le dentiste
à 11H. Tu n'iras pas. C'est bien ce que l'on va voir. Il me
demanda ma feuille, je lui dis : non, tu es capable de me la
déchirer. Enfin il insista, je lui donnai donc ma feuille,
il vu que ce n'était pas un mensonge, il la lut, et me la
redonna en disant, « Tiens, la voilà et que je ne
te revois plus ". Je le remercie, c'est ce que je voulais.
Les jours
suivants, j'allais avec les copains faire des tranchées,
mais l'on en faisait le moins possible. Le gardien savait que ce que
l'on faisait ne servait pas à grand-chose.
Je reviens un peu en arrière, à la fin de
janvier, les Russes avaient attaqué, ils envahissaient la
Prusse orientale et la Pologne.
A la fin de Février 1945, les russes furent
arrêtés à 60 Kms de nous sur les bords
de l'Oder. Ce fût l'exode des civils allemands et Polonais,
qui se sauvèrent devant l'armée Russe.
C'était en février, il faisait très
froid, il neigeait, ils faisaient halte à Finterwald. Ils
étaient logés n'importe où, beaucoup
d'enfants sont morts de froid.
Ils savaient que nous avions
reçu auparavant des colis de la croix rouge dans lesquels il
y avait des boites de lait en poudre. Ils nous en
demandèrent pour leurs enfants. Tous les prisonniers firent
un geste humain, les femmes ayant appris cela, vinrent nous remercier.
Durant le mois de mars et début d'avril 1945, les
alliés venaient très souvent mitrailler la ville,
bombarder la gare dans le but de retarder le ravitaillement de
l'armée allemande sur le front russe. Dans la
première quinzaine d'avril, nous apprenions que les
alliés, avaient lancé une grande offensive.
L'armée Allemande fut donc mise en déroute,
beaucoup de soldats allemands préféraient se
rendre. Ils sauvèrent leur vie car ils savaient qu'ils
étaient perdus.
Les armées alliées,
s'arrêtèrent sur les bords de l'Elbe comme
c'était convenu par les accords de Yalta, entre
Américains, Anglais et Russes. Mais le
Général de Gaule, n'avait pas
été invité à y participer.
La libération
Dans la nuit du dimanche
16 avril 1945, nous entendions un grondement
qui n'arrêta pas. On disait que ce n'était pas un
simple bombardement. C'étaient les Russes qui attaquaient.
Le lundi matin, nous apprenons que nous ne nous étions pas
trompés.
Le mardi matin, la moitié du commando
fut réquisitionnée pour faire les brancardiers
à l'hôpital et ailleurs. L'autre moitié
était réservée pour la nuit, moi je
fus désigné à l'hôpital pour
l'arrivée des grands blessés. Une grande partie
de ces blessés passait à la salle
d'opération. Je me rappelais un jeune à qui il
fallut couper la jambe. C'était le mercredi
après-midi.
Le jeudi matin quand je repris mon travail, ce
jeune était sur un lit dans un couloir. Car tout
était plein. Il était revenu à lui.
Sur une table dans un coin, il y avait des revues, il me demanda de lui
en donner une. Je lui en apportais et sur la première page
il y avait la photo d'Hitler.
Il prit cette revue et la serra dans ses
bras, en disant " Oh ! Mon Hitler, "
moi je lui dis " mais tu es fou,
Hitler va mener l'Allemagne à un sort qu'elle n'a jamais
connu. La guerre est perdue pour vous ".
Il me répondit, "
nous avons une armée secrète ",
je lui
répondis à mon tour, " les Russes te feront
goûter à l'armée secrète, ne
t'inquiète pas ".
Le vendredi matin, nous nous levions assez
tôt, nous étions à peine
habillés, que l'équipe de nuit arrivait et nous
disait : " Ce n'est plus la peine, nous n'avons qu'à tout
remballer, les Russes ne sont pas loin ".
A 9h, les premiers obus
tombèrent sur la ville.
A 9h 1/2, on vit l'adjudant de
contrôle arriver. Il va quand même ne pas nous
contrôler, à la vieille d'être
libérés.
Il rentra au poste, une 1/2 heure
après, il sortit avec les deux gardiens sac au dos.
Le retour en France
Nous
n'avions donc plus de gardiens, c'était un peu la joie. La
bataille faisait rage. Notre commando se situait un peu comme si nous
aurions été à la caserne de Mayenne,
et que les Russes arrivaient par Aron, et pour mieux voir ce qui se
passait en ville, nous étions plusieurs montés
sur un mur.
Tout d'un coup on entendit dire en bon français,
qu'est-ce que vous faîtes là-haut, descendez ou
moi, je vous descends, on regarda, c'était un officier
allemand, l'on ne se fit pas dire deux fois, nous sommes vite
descendus.
Comme quinze jours auparavant, nous avions reçu des tracts
lancés par des avions nous répétant
qu'au moment de l'attaque de la ville, qu'il fallait se retirer en
campagne, étendre un drapeau blanc et un drapeau
français.
Nous avions préparé cela
donc, nous décidions de quitter le commando. Nous primes
notre barda et nos couvertures car on savait tous que nous allions
coucher dehors. Nous marchions plusieurs kilomètres, et nous
nous installions dans une prairie.
Nous avons étendu nos
drapeaux, un avion français nous survolait. La
soirée du vendredi et la journée du samedi se
passèrent à peu près dans le calme. Le
bombardement de la ville continuait, dans la nuit de nombreux
incendies.
Le dimanche matin, de bonne heure, les soldats allemands se
sauvèrent. C'était un peu la déroute.
Un groupe installait une mitrailleuse derrière un buisson,
quand les soldats Russes arrivèrent à nous on
leur fit comprendre où les Allemands s'étaient
installés avec une mitrailleuse. On pensait qu'ils allaient
aller en rampant pour surprendre les Allemands, mais non ils partirent
debout tout en mitraillant. Ils étaient environ une
douzaine, deux soldats Russes tombèrent, les autres
avancèrent que de plus belle. Les soldats Allemands
partirent pour poursuivre les Russes. Mais nous n'avons pas connu la
suite.
Le dimanche midi, nous sommes rentrés au commando. Il a
fallu s'organiser pour faire à manger, dans
l'après-midi un officier Russe vint nous voir pour nous
prévenir qu'il faudrait mieux partir. Car ils craignaient
tous, une contre-attaque allemande. Mais elle n'a pas eu lieu. Les
pauvres ils étaient cuits.
Le lendemain matin, il fallut trouver à manger. Certains
camarades partirent en ville, nous : moi, Joseph Shuard, Alexandre
Foucault et d'autres copains, dans une ferme, en campagne.
Là, nous avons aperçu deux cochons, dans une
autre, deux petits chevaux et un plateau pour les atteler. Un vieux
paysan nous demanda de ne pas prendre ces chevaux.
On lui
répondit : ne t'inquiète pas, on va te les
ramener nous en avons besoin.
Dans la première ferme, nous
priment le cochon, et des pommes de terre. Au commando, il y avait un
boucher de son métier, alors nous avons pu manger de la
bonne viande fraîche. Nous avons ramené nos petits
chevaux chez leur propriétaire.
Mais deux jours
après, nous avons été
obligés de retourner les chercher. Car nous avons
reçu l'ordre de partir pour se rendre à Forst en
Pologne.
Nous nous sommes rassemblés dans le but de
repartir. Nous devions suivre un itinéraire, traverser les
petites routes. Le plateau, tiré par les deux chevaux,
était chargé de foin et d'avoine. On se servait
comme l'on voulait, les Allemands n'osaient rien nous dire. On chargea
toutes nos affaires sur le chariot.
Le jeudi matin, nous sommes partis en traversant la ville, nous
fûmes arrêtés par un convoi Russe qui
passait en face de nous. Les Allemands finissaient de
démolir la maison qui avait été
touchée par les obus.
Il y avait le directeur de mon atelier
qui était là. Il m'aperçut me serra la
main. Il me dit tu vas rentrer chez toi Joseph. Je te souhaite un bon
et prompt retour, pour moi je ne sais ce que la vie me
réserve.
Nous voilà donc repartis, nous avions fait pas mal de
kilomètres, nous étions en pleine
forêt, quand tout d'un coup, nous entendîmes la
mitrailleuse. Un camion Russe venait d'être
attaqué par des Allemands qui étaient
restés camouflés dans la forêt.
Un
cavalier Russe, nous fit signe de faire demi -tour, nous nous sommes
rendus vers le commando à l'est de la ville. Les copains
étaient partis. Nous nous sommes donc installés,
dans une baraque qui longeait une petite route, où un convoi
Russe fut mitraillé par plusieurs avions Allemands.
Plusieurs balles sont rentrées dans la baraque, nous
étions tous couchés, nous avons eu de la chance,
personne n’a été touché.
Comme disaient les Allemands, il y a un bon Dieu pour les
Français, car avec toutes les mitrailleuses de la ville, les
bombardements des usines, l'attaque des Russes, sur peut-être
près d'un mille que nous étions dans cette ville,
il y a eu un mort de notre commando. Mais il avait commis une
imprudence.
Le vendredi matin, nous sommes repartis par la même route,
nous avions peur que les Allemands soient encore là. Car ils
auraient pu nous tirer dessus. Cela s'est produit
déjà à certains prisonniers qui ont
été tués sur la route du retour.
Nous
avons traversé la forêt sans encombre. Tout le
long de la route, dans les fossés, il y avait des cadavres
de soldats Allemands, mais pas de soldat Russe. Car à mon
avis, ils étaient enlevés aussitôt.
Dans un carrefour, une sentinelle Allemande avait dû
être tuée et les chars avaient dû passer
et repasser dessus, il était tout aplati.
Nous nous sommes
arrêtés dans un petit pays, où il avait
dû y avoir de la bagarre, il y avait des cadavres partout, un
char allemand avait dû brûler, ses trois occupants
étaient carbonisés.
Dans une maison, qui servait
d'infirmerie, où les blessés étaient
déposés. Il y avait 12 pauvres diables que les
Russes avaient achevés d'une balle dans le crâne.
Nous avons quand même couché dans ce pays.
Le
lendemain matin au point du jour, nous sommes partis de peur que les
Russes arrivent, et qu'ils nous fassent enterrer tous ses morts.
Dans
l'après-midi, nous nous sommes arrêtés
dans un plus grand pays, mais complètement vide.
On se
logeait par groupe, où l'on pouvait. Mon groupe fut
installé dans une ferme à l'entrée du
pays.
Il y avait une belle maison, mais les Russes avaient tout
bouleversé. Nous avons remis tout en ordre, nous avons
préparé la cuisine.
Mais que fut notre surprise,
quand deux camions de l'armée Russe rentrèrent
dans la cour. Il y avait un homme et une femme par camion. Cela nous
fîmes moitié plaisir. Nous qui avions tout
rangé à la maison, préparé
les deux chambres, bref, nous ne pouvions rien dire.
Un officier Russe
arriva. Il parla assez bien l'allemand.
Il ne faisait pas partie des
troupes de choc qui étaient des Mongols à
moitié civilisés.
Il était Ukaimien,
il nous demanda ensuite qu'est-ce que nous avions à manger,
pour douze. On avait un biquet et un lapin.
Il nous dit alors, "dans la
prairie pas très loin, il y a une vache", "allez la chercher",
chose qui fut faite.
La vache fut attachée à un
poteau au bas de la cour de la ferme. Un soldat Russe avec son fusil
mitrailleur lui mit plusieurs balles dans le crâne. Nous
avions été cherchés notre camarade
boucher, nous nous sommes entraidés à
dépecer la vache. Les Russes prirent le cou, le foie, et
quelques bons morceaux, et nous avons partagé les bons
restes entre nous. Ensuite, nous avons nettoyé
l'arrière-cuisine, pour préparer à
manger. Les Russes avaient pris notre place, nous avons dû
dormir dans la grange.
Le
dimanche matin, les Russes sont partis assez
tôt, dans la matinée, je me suis
promené dans la cour, et j'aperçus une femme qui
regardait et se retirait, elle avait peur d'entrer, je m'approchais
d'elle, et lui dis. Madame n'ayez pas peur, nous sommes des
Français.
Elle se dirigea vers nous et se mit à
pleurer à chaudes larmes. D'autres camarades
arrivèrent et elle nous raconta toute sa triste aventure.
Elle avait été obligée de fuir devant
l'armée Russe.
Son mari était mobilisé
et elle n'avait plus de nouvelles depuis plusieurs mois. Elle est
partie un matin avec ses trois jeunes enfants, 9 ans, 7 ans, et 5 ans.
Sa mère l'accompagnait, dans un chariot, elle avait
emporté tout ce qui était nécessaire
pour se nourrir et dormir. Ils étaient tous dans un convoi
de personnes comme elle qui fuyaient dans un petit pays.
Il leur fallut
s'arrêter, les soldats Russes arrivèrent.
C'étaient des Mongols, elle fut
séparée de ses enfants et de sa mère.
Elle fut violée et pendant plusieurs jours ce calvaire avait
duré. Elle avait réussi à
s'évader et revenir chez elle à travers champ.
Elle était exténuée de fatigue on lui
donna à manger, une chambre pour se reposer tout
l'après-midi.
Le soir, elle fit sa toilette, changea de
vêtements, mais la pauvre elle pleurait toujours. Elle
parlait de ses pauvres enfants, elle se demandait si elle les reverrait
un jour.
On essaya de lui remonter le moral en lui disant de s'adresser
à la croix rouge. Ces enfants avaient chacun une plaque avec
leur nom et leur adresse, autour du cou, ce qui était une
grande sécurité. Nous l'avons consolé
de notre mieux.
Le
Lundi matin, quand nous sommes partis, elle nous dit
" merci " mais elle pleura toujours et avait peur.
Nous avons repris la
route par petites étapes, nous sommes arrivés le
jeudi soir à
Forst en Pologne. C'était une petite
ville déserte, car une grande partie de ses habitants avait
fui en Février. Ils n'étaient encore pas
rentrés, il y avait quelques maisons détruites.
Nous étions plusieurs milliers de prisonniers
Français.
Le
9 mai 1945, nous apprenons que l'Allemagne avait capitulé
et qu'Hitler s'était donné la mort. Nous
étions rassemblés dans cette ville, dans le but
d'être rapatrié par Odessa, encore un long voyage
à faire. Il fallut se loger.
Dans notre groupe, nous
étions une douzaine à se suivre, toujours les
mêmes. Nous nous sommes logés dans une maison.
Le
lendemain, je fus avec Shuard et Foucault. Dans la foule, nous avons
trouvé Roger Daumenc, il était avec son commando,
il avait pris la même direction que nous.
Nous
fûmes à peu près trois semaines dans
cette ville, le temps était long. Certains avaient
trouvé des vélos, et étaient partis en
direction des alliés, mais c'était
risqué.
Pendant que nous étions dans cette ville, les Russes ne nous
donnaient rien, il fallut donc se débrouiller pour manger.
Nous avions récupéré quelques cuisines
roulantes allemandes, avec nos chevaux et nos plateaux.
Nous sommes
partis dans la campagne, pour ramener des pommes de terre,
même des vaches, de la farine. Le pain fut fait dans les
boulangeries de la ville.
Nous mangeâmes les 2 vaches,
ensuite nous mangions nos chevaux. Plusieurs commandos avaient fait
comme nous, prirent chevaux et plateaux pour faire la route. Nous avons
aussi ramassé tous les légumes. Il fallait bien
manger.
Le
18 mai 1945, 600 camarades ont pris le train en direction d'Odessa.
Le dimanche 21, certains camarades sportifs ont organisé un
match de boxe, sur le terrain de sports de la ville. Certains officiers
Russes y ont assisté. 0
Pendant la petite fête, un
planton Russe vint apporter un pli, qu'il donna à un
officier, et lui demanda s'il y avait parmi nous, un camarade qui
connaissait le Russe. Il s'en présenta un, qui nous lut en
Français ce pli. Il fallait que tous les prisonniers se
réunissent à 9 h, sur cette place. Nous devions
être transportés vers Leipzig, que les
Américains devaient nous rapatrier dans les plus brefs
délais. Il y avait de la joie.
Le
lundi 21 mai 1945 à 9h, tout le monde était
sur la grande place, il y avait du monde, mais les camions
n'étaient pas là. 11h, midi, toujours pas de
camions, les Russes sont aussi menteurs que les Allemands. Ils
promettent une chose et ne le font pas. Nous commencions à
nous disperser.
Enfin à 3h de l'après-midi, les
camions arrivèrent. C'étaient des camions
américains, conduits par des soldats Russes. Il a fallu du
temps pour organiser le convoi. Nous sommes donc partis à 7h
du soir, nous avons roulé une partie de la nuit, pour
arrêter dans un pays où chacun devait se
débrouiller pour se loger et dormir.
Le
lendemain matin,
nous sommes repartis et ils nous ont déposés dans
un ancien stalag le IVB. Il y avait des baraques, mais elles
étaient pleines de poux, de puces et de punaises. Nous avons
dû dormir dehors. Car nous avions 20 Kms à faire
à pied pour nous rendre à Riesa. Nous avons
trouvé une charrette pour mettre notre barda.
Le
jeudi 24 mai 1945, nous partons de bonne heure, la route
était mauvaise, et avant d'arriver à
Riesa, il y
avait une rivière mais pas de pont. Il a fallu descendre la
rivière qui était profonde et pour remonter de
l'autre côté, c'était très
à pic. Pour sortir il a fallu abandonner notre charrette
dans la rivière.
Enfin nous arrivons à Riesa,
là, nous avons été
vaccinés, et nous nous sommes couchés
où l'on a pu. Nous étions habitués
à la misère. Le vendredi des camions
américains viennent nous chercher pour nous emmener dans un
terrain d'aviation, où nous avons touché
à manger et dormi sous les hangars.
Le dimanche matin, nous
sommes emmenés à la gare de
Leipzig, Nous avons
monté dans des wagons à bestiaux. Paris
à 7 1/2 h, le train ne roulait pas très vite, et
à plusieurs nous avons été mis sur
voie de garage pour que les trains de ravitaillement passent. Car la
ligne n'avait qu'une voie, qui venait d'être refaite. Les
Allemands dans leur retraite avaient tout fait sauter.
Un soir nous
sommes passés sur le Rhin, sur une ligne peu
surélevée qui reposait sur des bateaux. Le train
roulait doucement car la ligne bougeait, nous n'étions pas
rassurés.
Nous sommes arrivés le
lundi dans la
matinée à
Nancy. Notre train fut mis sur voie de
garage, nous sommes tous descendus. Il y avait un centre d'accueil,
où nous avons pris un bon petit déjeuner,
chocolat ou café avec du bon pain français. Nous
avons fait une toilette car nous en avions besoin. Ensuite nous avons
été groupés par région.
Et
dans l'après-midi, nous avons repris le train et
là ce fut plus confortable. Nous étions
installés dans des wagons de voyageurs, pour la
région de l'Ouest.
Nous étions nombreux, nous avons changé de train
à la gare de Montparnasse.
Je suis arrivé dans la
matinée du
mardi 29 mai à
Evron. Alexandre
Foucault était descendu à la
Ferté-Bernard, Joseph Shuard devait, lui, descendre
à Laval.
Ce fut le Docteur Janvier accompagné de
Maria, j'étais très heureux de me trouver en
famille. Marie-Josèphe avait grandi.
J'étais
très fatigué, après avoir
mené cette vie de nomade pendant tout ce temps. Mais que
c'était " bon " de reprendre la vie de famille et la
liberté.
NB :
Je me suis décidé un peu tard, pour faire le
récit de ma captivité. En bref, excusez-moi pour
les phrases mal faites et les mots manquants, heureusement que j'avais
noté sur un carnet, les dates qui m'ont
été très utiles pour me
rafraîchir la mémoire, qui hélas me
fait grand défaut à mon âge.
Le 8 juin 1996, j'aurai mes 90 ans.
le 24 août 1996
Joseph SABLE, à Bais